Glyphosate : l’Anses publie les résultats de son évaluation comparative avec les alternatives non chimiques disponibles
Dans le cadre du plan de sortie du glyphosate engagé par le gouvernement, l’Anses a lancé une évaluation des alternatives non chimiques à cet herbicide dont les résultats ont été rendus publics le 9 octobre 2020. L’usage de la substance est dorénavant restreint aux situations où le glyphosate n’est pas substituable à court terme. Ces restrictions sont désormais prises en compte par l’Agence pour délivrer les autorisations de mise sur le marché des produits à base de glyphosate.
L’Anses a lancé en novembre 2018 une évaluation des alternatives non chimiques au glyphosate. L’objectif était de déterminer les usages pour lesquels cette substance peut être substituée par des alternatives non chimiques et d’identifier les situations d’impasse où aucune alternative appropriée n’est actuellement disponible. L’évaluation s’appuie sur l’article 50.2 du règlement européen CE 1107/2009 relatif à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, qui précise qu’il est possible de procéder à une évaluation comparative d’un produit phytopharmaceutique « s’il existe une méthode non chimique de prévention ou de lutte pour la même utilisation et si elle est d’usage courant dans cet État membre [1] . »
L’évaluation a porté sur quatre principaux domaines d’utilisation : la viticulture (PDF), l’arboriculture fruitière (PDF), les grandes cultures (PDF) et la forêt (PDF). L’Anses a identifié les inconvénients pratiques ou économiques des alternatives au glyphosate. Elle s’est appuyée sur trois rapports produits par INRAE [2] . Pour la forêt, l’Agence a utilisé des informations transmises par l’ONF et le Centre national de la propriété forestière.
Des situations où le glyphosate peut être remplacé
L’analyse de ces travaux révèle que des alternatives à l’utilisation de cet herbicide sont déjà couramment utilisées sans présenter d’inconvénient pratique ou économique majeur. C’est notamment le cas de l’usage du désherbage mécanique pratiqué entre les rangs des vignes et des arbres fruitiers, ou encore le recours à des zones enherbées. Dans le cas des grandes cultures [3] , le labour entre deux cycles annuels de cultures permet de se passer de l’usage de désherbants chimiques.
Des usages où le glyphosate n’est pas substituable
En revanche, les travaux conduits par INRAE mettent en évidence des situations d’impasse technique, où aucune alternative d’usage courant ne permet de répondre à court terme aux besoins des professionnels, sans nécessiter une modification substantielle des pratiques, qui aurait un fort impact sur l’activité agricole.
Parmi ces impasses techniques : les situations où le passage d’outils mécaniques est irréalisable, du fait de terrains caillouteux ou en forte pente ; l’impossibilité de disposer à court terme sur le marché français de machines agricoles permettant le désherbage sous le rang, en viticulture et en arboriculture ; la destruction des plantes indésirables vivaces (adventices) difficiles à éliminer ou encore l’agriculture de conservation, qui n’utilise pas le labour pour préserver les sols.
Les conclusions de l’Anses
Pour la viticulture :
- interdiction d’utilisation du glyphosate entre les rangs de vigne : l’alternative est le maintien de l’herbe ou le désherbage mécanique ;
- utilisation autorisée dans les situations où le désherbage mécanique n’est pas réalisable : vignes en forte pente ou en terrasses, sols caillouteux, vigne-mères de porte-greffes ;
- restriction de la dose annuelle maximale autorisée à 450 g de glyphosate par hectare, les applications étant limitées à 20 % de la surface de la parcelle, soit une réduction de 80 % par rapport à la dose maximale actuellement autorisée.
Pour l’arboriculture fruitière :
- interdiction d’utilisation du glyphosate entre les rangs d’arbres fruitiers : l’alternative est le maintien de l’herbe ou le désherbage mécanique ;
- utilisation autorisée dans les situations où le désherbage mécanique n’est pas réalisable : récolte mécanique des fruits au sol (noix, pommes à cidre…) ou productions de type buissonnant (noisetier, petits fruits) ;
- restriction de la dose annuelle maximale autorisée à 900 g de glyphosate par hectare, les applications étant limitées à 40 % de la surface de la parcelle, soit une réduction de 60 % par rapport à la dose maximale actuellement autorisée.
Pour les grandes cultures (céréales, colza, tournesol…) :
- interdiction d’utilisation du glyphosate lorsque la parcelle a été labourée entre deux cultures (sauf cas particulier) ;
- utilisation autorisée dans les situations de luttes obligatoires réglementées ;
- restriction de la dose annuelle maximale autorisée à 1 080 g par an et par hectare, soit une réduction de 60 % par rapport à la dose maximale actuellement autorisée.
Pour la forêt :
- interdiction d’utilisation du glyphosate pour la dévitalisation des souches : utilisation de méthodes alternatives non chimiques ;
- utilisation autorisée pour l’entretien des forêts seulement en période d’installation du peuplement ;
- autorisation maintenue pour les pépinières forestières et les vergers à graines (vergers utilisés pour produire des graines pour le reboisement).
Usages non agricoles
Les différents usages du glyphosate en zones non agricoles (sites industriels, militaires, voies ferrées, autoroutes, aéroports, réseau électrique, conservation des monuments historiques…) ne peuvent être totalement substitués par des alternatives non chimiques sans avoir des conséquences importantes, notamment pour la sécurité des opérateurs et des utilisateurs de ces services. La réduction de l’usage du glyphosate dans ces différentes situations ne peut donc relever d’une restriction fixée dans les autorisations de mise sur le marché, mais doit s’envisager dans le cadre d’une évolution des pratiques de désherbage.
Des conclusions qui s’appliquent dorénavant à chaque produit mis sur le marché
Les conclusions de cette évaluation comparative sont désormais prises en compte par l’Anses pour renouveler ou délivrer les autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits à base de glyphosate.
Dans le cadre de l’examen en cours des demandes d’autorisation de mise sur le marché, l’Anses a annoncé le 30 septembre 2020 aux détenteurs d’AMM le renouvellement de trois produits et deux nouvelles autorisations de mise sur le marché, avec des usages restreints aux conditions identifiées par l’évaluation comparative. Quatre décisions de retrait ou de refus de mise sur le marché ont également été notifiées.
Pour les produits qui bénéficient d’un renouvellement de leur AMM, les restrictions d’usage seront mises en application dans un délai de six mois. Cette limitation des conditions d’emploi et des doses par hectare contribuera à réduire dès 2021 les quantités de glyphosate utilisées en France.
[1] Article 50.2 du règlement (CE) n°1107/2009
[2] Les rapports de INRAE sur l’évaluation économique des alternatives au glyphosate : en viticulture (PDF), en grandes cultures (PDF) et en arboriculture (PDF)
[3] Les grandes cultures comprennent les céréales, les oléagineux (colza, tournesol, soja…), les protéagineux (pois, féveroles…) ou les cultures industrielles comme les betteraves, pommes de terre…