Les cheveux, témoins de l’exposition à certaines substances chimiques
L’analyse des cheveux peut être un bon moyen de suivre l’exposition à des substances chimiques qui sont rapidement éliminées de l’organisme. C’est ce qu’a démontré une étude menée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire, le Luxembourg Institute of Health et l’Institut national de l'environnement industriel et des risques. Ces travaux ont précisé pour quelles molécules cette analyse est la plus pertinente.
Bisphénols, phtalates ou pesticides : certaines substances chimiques auxquelles nous sommes exposés via notre environnement ou notre alimentation sont éliminées en quelques heures par notre corps. Couplé à une réexposition fréquente, ceci peut être un obstacle pour évaluer l’exposition à long terme à ces polluants à partir d’analyses dans le sang ou les urines. « Nous avons été confrontés à ce problème au cours d’une expertise sur le bisphénol A », explique Claire Beausoleil, toxicologue au sein de la Direction de l’évaluation des risques. Les résultats de certaines études scientifiques concluaient en effet à l’absence de corrélation entre les effets étudiés chez l’être humain et les concentrations en bisphénol A mesurées dans les urines. Cela signifie-t-il que les personnes étudiées n’avaient pas été exposées à des doses assez élevées pour être détectées dans l’urine ? Ou bien que ces mesures ne reflétaient pas bien l’exposition, en raison notamment d’une élimination trop rapide de la substance et de la forte variabilité de la concentration urinaire qui en découle ?
Il est essentiel de pouvoir retracer l’exposition interne à une substance chimique pour identifier sa toxicité à long terme. En effet, les effets d’une substance sur la santé dépendent de sa concentration à l’intérieur du corps.
Une étude concluante sur poils de rats
Afin de savoir quelle méthode d’analyse est la plus pertinente selon les substances, une étude a été conçue par l’Anses, le Luxembourg Institute of Health (LIH) et l’Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris). Elle a été cofinancée par l’Anses et le LIH. Les scientifiques voulaient notamment savoir s’il était possible d’utiliser les cheveux pour mesurer l’exposition à certains polluants, car leur prélèvement est plus simple que le sang ou l’urine et pourrait mieux refléter l’exposition réelle des individus exposés.
Des rats, utilisés comme modèles, ont été exposés par ingestion à un mélange de 17 polluants : des pesticides, des phtalates, des bisphénols et un autre plastifiant, le DINCH . Des échantillons de poils et d’urine ont ensuite été collectés pour mesurer les concentrations des métabolites issus de la transformation de ces substances dans le corps.
Résultat : pour 14 des 17 substances auxquelles les animaux avaient été exposés, une bonne corrélation entre la dose d’exposition par ingestion et la concentration des métabolites mesurée dans les poils a été observée. Cette concentration est également proportionnelle à celle trouvée dans les urines, ce qui témoigne que les substances se sont fixées dans les poils après avoir été transportées par le sang.
Les cheveux, bon reflets de l’exposition sur la durée pour la plupart des substances chimiques
Pour les substances dont la concentration dans les poils, ou les cheveux chez l’être humain, reflète bien l’exposition réelle, cette mesure pourrait même être plus représentative que celle dans le sang. En effet, la substance peut avoir été éliminée du sang au moment du prélèvement, alors que les poils et les cheveux conservent plus longtemps la trace du polluant une fois qu’il s’est fixé à la kératine. L’analyse des cheveux témoigne de l’exposition sur une période de temps plus longue et n’est pas soumise aux variations à court terme mesurées habituellement dans le sang ou l’urine.
L’incorporation de substances dans les poils ou les cheveux dépend de paramètres tels que le temps d’absorption et d’élimination des molécules. Or ces paramètres varient d’une espèce à l’autre. Afin d’extrapoler les données de l’étude du rat à l’être humain, un ajustement complémentaire prenant en compte les spécificités métaboliques des deux espèces s’avère nécessaire.